Zita a découvert depuis sa navette orbitale et par l'intermédiaire de son cerveau numérique que les terriens peuvent demeurer fonctionnels et autonomes grâce aux soins attentifs de leur corps prodigués par la massothérapie. Même que certains humanoïdes utilisent leur sensibilité pour apprécier et jouir de la vie sans module de télécommunication. Bip!
L'androïde a un petit quelque chose d'humain malgré son costume fluorescent et son visage pixelisé. En service, ses doigts sont toujours occupés au clavier de son ordinateur moléculaire. C’est grâce à son poste de direction qu’elle peut avoir accès aux périphériques androïde et humanoïde. Elle a ainsi appris que Masser n'est pas avaler une "masse" de produits chimiques pour lubrifier les circuits énergétiques, mais plutôt une science qui étudie les métabolismes humains et la détente des systèmes organiques pour donner libre cours à l'énergie régénératrice. Vroum!
Zita me demande où elle peut éteindre son tube de fumée. Sa bouche rouge m'indique d'ailleurs une combustion interne élevée. Il s'en échappe des sons que j'interprète comme un langage. Je saisis, dans son sifflement, qu'elle souhaite inverser sa transmutation. Elle a repéré le mot "friction" dans son fichier sur le massage et, justement, elle me communique qu'elle a des frictions avec la nourriture, frictions avec l'amour, frictions avec son âme, frictions avec son corps. Là-dessus, ces globes oculaires gonflent et s'inondent d'un liquide luminescent. Snif!
Une trop grande dépense d'E=Mc2 surchauffe les circuits et une douche d'H2O amorcerait bien la séance. Elle s'engloutit dans la salle de bain pour enlever sa tenue spatiale et son gréement. Cela me permet de compléter sa fiche et de démêler mon questionnaire qui me révèle que, jusqu'à maintenant, ça va pas pire, mais qu'après tout, ça va très mal ??? Une alarme intergalactique se fait entendre. A-t-elle pris ma douche pour une cabine de télé transportation ? Un bruit de quincaillerie me fait sursauter. Elle a probablement échappé une pièce de son scaphandre. Ça remue, ça brasse puis enfin l'alarme cesse. Peut-être vient-elle de son téléphone cellulaire? Cependant des gloussements se confondent avec des gargarismes entrecoupés de farouches expectorations. Peut-être que l'eau n'est pas compatible avec son rayonnement électromagnétique ? Bloug.
En matière de corps humain, je m'y connais, mais les androïdes ont quelquefois des composantes inattendues. Le décryptage d'un corps radioactif requiert une prudence certaine. Elle est donc étendue sans se couvrir sur la table comme si cela signifiait; irradiez mon corps, transmutez-moi. J'estime qu'elle a, à peu près, 134 ans, un siècle de trop consignerai-je plus tard ! En déposant mes mains sur son sacrum, se révèle à moi une créature inconnue. J'ai bien repéré quelques cicatrices, mais ce ne sont pas des implants bioniques. Sous mes yeux, j'observe la métamorphose de la couleur et de la texture de sa peau. Je constate d'abord qu'elle appartient bien à notre planète. Mes mains détectent les blocages. Je reconnais un cas de surmenage. Le cerveau aussi semble épuisé. Pschitt.
Deux mois plus tard, Zita m’envoie un courriel intergalactique.
Cher masseur,
J'ai beau œuvrer dans une autre galaxie, je prépare ma prochaine expédition dans la vôtre. J'ai un plaisir fou à opérer le clavier cette semaine. J'ai pris l'habitude d'écrire dans votre langage pour mettre des mots sur mes sensations. Puis tout à coup, je me suis dit que je vous devais bien quelques précisions, pour vos notes de bord. Je ne sais si c'est le massage qui m'ouvre les hublots, mais il est clair que je découvre un autre monde. La vie est chouette quand il s'agit de vos frictions. Ce mot me fait sourire maintenant. Il adoucit mes échecs, accompagne mon coeur affligé et me rappelle de modérer mes transports cosmiques. Je me rappelle soudain de lointains beaux souvenirs de tendresses et de divines odeurs. J'avoue être un enfant de la terre, et mes plus grands bonheurs sont de ressentir ce qui ressemble tant aux mains sécurisantes de mon père ou de jouer à être bercée comme un bébé, par ma maman. J'admets que mes grands malheurs étaient de garder mes distances et de ne pas trop manifester d'enthousiasme quand il s'agissait de mon bonheur personnel. Je comprends que mes sens ont un sens. J'ai envie de vivre, ma vie de
Chère Zita, bienvenue à bord. Vous n'êtes désormais plus un clone de la productivité. Ce que vous ressentez est une déprogrammation de la perception du regard des autres et de la performance. Vos prochaines excursions vous révéleront que vous pouvez, même, survivre au trop-plein d'affections et au trop-plein de frictions.
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