La patiente avoue à son médecin qu’elle est allée consulter son masseur, ce matin. Le médecin agacé, de répliquer : Et quelle connerie vous a raconté ce tripoteur? - Heu…Il m’a conseillé de venir vous voir avant de me faire une opinion.
La patiente avoue à son médecin qu’elle est allée consulter son masseur, ce matin. Le médecin agacé, de répliquer : Et quelle connerie vous a raconté ce tripoteur? - Heu…Il m’a conseillé de venir vous voir avant de me faire une opinion.
Elle avait pris rendez-vous. "Ma nièce
m'a parlé de son masseur, un dénommé Buron. Comme je n’en connais pas beaucoup
de Buron, je me suis bien douté que c'était toi. " Madame Rouleau
m'enseignait au primaire. Je suis ému de faire partie de ceux qu'elle n'a pas
oubliés. Encore plus touché qu'elle me consulte.
J’ai des
problèmes avec ma peau. Je pense que ce n’est pas la mienne. Je l’ai reçue en
héritage. Pouvez-vous l’adapter à mon corps?
Micheline m'avait dit :" Viens passer une semaine à la ferme
cet été, ça va te changer de tes massages. Et puis, on va pouvoir profiter de
nos mains habiles au moins une couple de fois." Ma vieille amie et ex-collègue
massothérapeute a pris mari et est devenue fermière, il y a neuf ans. Son mari
élève des porcs. Ils ont deux garçons espiègles qui bougent tout le temps,
comme leur père. George a plutôt l'air d'un professeur d'économie, l'oeil
globuleux, se frottant les mains constamment comme si on allait dépecer un rôti
dodu.
"Ma femme me dit que vous
faites disparaître le stress d'un simple effleurement ?" Là-dessus, il
avale sa salive comme un gros crapaud.
"Quel drôle de travail quand même, détendre un corps humain ! Et
vous, vous l'apprêtez comment, une fois attendri, hi, hi ? Il paraît qu'à Kobé,
les éleveurs massent leurs bœufs quotidiennement, ce qui en fait les biftecks
les plus tendres au monde !" La porte s'ouvre et Yannick et Théo entrent en
coup de vent dans le salon. " Papa ! Maman est en train de monter la table
de massage dans le sous-sol !"
Massage
cochon
George semble avoir trouvé le moyen de rentabiliser les talents de sa
"tendre" moitié. "J'avoue, dit-il, que c'est bien pratique pour
mes truies. Il y a deux trucs importants pour la reproduction ; le
réchauffement des semences et le massage du dos durant l'insémination. Cela diminue le stress au niveau de l'utérus de la truie,
ce qui favorise l'expression des contractions utérines responsables de
l'aspiration de la semence. Comprends-tu
que, ça a un effet bénéfique sur la taille de la portée."
Micheline entre à son tour et m'annonce que
tout est en place dans le sous-sol. Là-dessus, je me lève promptement, moins
pour répondre à son invitation que pour échapper à l'exposé sur le massage des
glandes mammaires qui engendre le mécanisme neuroendocrinien d'éjection du
lait. Heureusement un des garçons me sauve, du cour d'anatomie porcine. "Non c'est à mon tour de me faire masser", crie-t-il. Et
le plus jeune y allant d'une réplique savoureuse. "Moi je veux me faire masser les
orteils, mais je ne veux pas mettre ma tête dans l'affaire", montrant
l'appuie-tête. "Ça me fait penser quand je vomais mes bonbons de Noël dans
le valabo."
INSTINCT BESTIAL
Rassure-moi Micheline, George apprécie-t-il tes massages ? Elle
s'esclaffe en me disant :"Il te fait marcher un peu, je lui ai
tellement parlé de ta technique qu'il en connaît tous les détails, et pour une
raison bien simple, il est musher." -Qu'est-ce que ça mange en hiver, un
musher ? "Justement, il s'agit bien de l'hiver, c'est un maître de
traîneaux à chiens. Il masse ses chiens, pour les préparer à une longue
randonnée, pour les détendre après une longue course, pour les lombalgies
causées par les harnais ou la mauvaise position du chien dans l'attelage.
Pressions, pétrissages, ballottements, frictions, caresses…ses chiens l'adorent
et l'amèneraient au bout du monde. Comme je faisais avec mon cheval, tu te
rappelles ? Particulièrement avant les compétitions, vingt minutes par jour,
vibrations, étirements, effleurements…tout ce qui pouvait le décontracter et le
tonifier. Je le fais encore pour échanger, pour communiquer avec la bête. Mais
au fait, Pierre, je t'avoue que j'ai monté la table parce que George aimerait
bien que tu le masses !" Moi, je veux bien, mais ton musher préfère-t-il
un massage de compétition ou de reproduction?
Une cliente me confie : Ma voisine
a dit que vous étiez un peu trop affectueux, sado-maso et pervers!
- Bon, chacun son opinion. Il y a
peut-être fabulation !
- Ah oui! Elle demande un autre
rendez-vous pour vendredi de la semaine prochaine.
Aujourd’hui c’est cours de massage pour les
enfants. Dans certaines écoles de Rosemont, les ateliers de massage sont au
programme dès la première année scolaire. Ces ateliers pratiques mettent en
relief les aptitudes naturelles de l’enfant, à ressentir ou exprimer des
sensations et des émotions par le langage du toucher. Certains découvrent rapidement
les liens entre leurs peines et leurs tensions, leurs joies et leur bien-être.
C’est le cas de Chloé, une métisse aux yeux animés et aux mains adroites. Elle
a le sens de l’observation.
Dès que j’arrive en classe, Chloé vient vers
moi, s’assoit sur le tapis à ma droite et souri à tout le monde, l’air de dire:
On va se régaler les amis. C’est la meilleure assistante que je n’ai jamais eue.
Il faut dire que nous sommes de vieux complices. Nous nous sommes connus il y a
deux ans, quand elle venait avec sa mère et sa grand-mère à mon studio de
massage. En fait, c’est la grand-mère qui avait recours au massage pour calmer
son dos et ses jambes. Pour s’encourager à être assidue, elle payait une séance
de massage à sa fille qui, étant monoparentale, venait aussi avec son enfant Chloé.
Jocelyne, veuve d’origine haïtienne, mère de
trois solides gaillards et une fille, passe de longue journée à son commerce. C’est
sa fille Lola, enceinte, qui fut la dernière a quitté la maison, pour rejoindre
son revendeur de drogue. L’année suivante, elle était revenue chez sa mère avec
le bébé, car le père avait pris la poudre d’escampette. Jocelyne avait recueilli
sa fille, mais passait tout son temps à sa boutique de cadeaux. Lola détestait
cette boutique et ce qu'elle représentait, la dépendance et le marchandage
incessant. Pour tout dire, rien ne l'intéressait, bien qu'elle appréciait ces
rendez-vous de massage.
C'était un étrange cérémonial. Jocelyne se
faisait masser pendant que sa fille Lola occupait Chloé au salon d’attente. Ou
plutôt c’était Chloé qui cherchait à distraire sa mère. Après son massage,
Jocelyne allait s’allonger sur le fauteuil au salon, et Lola s’installait sur
la table de massage. La petite Chloé demandait toujours à assister au massage.
Elle s’installait sur la chaise de rotin entre deux gros coussins et suivait
avec attention les premières minutes du massage, puis s’assoupissait, bercée
par la douce musique et les fragrances d’huiles essentielles. Cette frimousse
angélique avec sa tignasse bouclée ajoutait un brin de fraîcheur à l'ambiance.
Sens et sensibilitÉ
Le jeudi, c’est l’atelier #6 sur « les concessions :
recevoir et donner ». Chloé s'improvise encore comme assistante et me
donne une brève vue d’ensemble : il y a deux absents, Alexandre et Thomas,
Clara a mal au ventre, Manon et Sarah ont été grondées ce matin parce qu’elles
se chamaillaient. Chloé se souvient pour chacun de ses camarades, s’il a ses
parents, une mère empruntée ou un père temporaire. C'est important pour elle,
de savoir, si ses amies ont un chez-eux ou deux, ou, s’ils vivent chez leur
grand-mère.
Selon Chloé, les enfants qui ont un parent
malade risquent de se retrouver eux aussi à l’hôpital. Je le sais parce que je
suis allé à l’hôpital à Justine, me dit Chloé parce que je m’évanouis trop
souvent. Moi, je n’aime pas ça, parce qu’il y a toujours un clown de malade,
avec une grande bouche qui pue et des cheveux comme la vadrouille à
grand-maman. Il faut faire semblant de rire pour s’en débarrasser. Peut-être
qu’il pense qu’en faisant des grimaces, le temps va passer plus vite. Mais il y
a aussi le pédiatre qui s’ennuie parce qu’il ne sait pas jouer. Quand les amis
sont venus me voir, le pédiatre ne savait pas quoi faire avec eux, parce qu’ils
étaient en santé. Alors que, si tu es malade, il a un jeu de questions où il
faut dire ce qu’on pense. Des fois, je gagnais des pilules. Mais il fallait que
tu surveilles tes réponses, parce que si tu perdais, il te donnait une piqûre.
Cela me fait penser à maman, quand elle était maigre et pleine de trous de
piqûres. Ces yeux étaient toujours humides. Je devais commencer à avoir la même
maladie parce que mes yeux coulaient à moi aussi, quand je la voyais tenir son
ventre. Je pense qu’il était coincé parce qu’elle mangeait trop de pilules et
pas assez de soupe. Elle regardait le plafond comme si elle cherchait quelque
chose. Et souvent, quand on lui parlait, elle n’entendait rien. Une fois j’ai
arrêté de respirer pour voir, c’était quoi être mort, mais j’ai abandonné avant
que ça marche. Parce que ma mère, ç’a marché. Elle a réussi, parce que ça
faisait longtemps qu’elle essayait. Moi j’ai remis ça à plus tard parce que
j’aime ça aller à l’école, surtout pour les cours de massage.
À l’école
un groupe fait la souris qui gratte dans le dos du chat. Les doigts sautillent,
les doigts patinent, et les chats doivent dire ce qu’il aime le mieux. Chloé,
aime apprendre les différentes façons de masser. C’est comme sentir plein de
choses, dit-elle. Sinon, si on ne sent rien, alors c’est comme être mort. J’ai
hâte d’apprendre ce que tu faisais à maman, quand tu lui tirais le bras au-dessus
de la tête et qu’elle souriait en soupirant. Les observations de Chloé m’étonnent
à chaque fois. Les séquences des massages pour sa mère, qu’elle me relate avec
précision, étaient souvent parmi les dernières parties du massage. C’est dire
comment elle devait capter les manoeuvres en ouvrant un œil et aussitôt le
refermer pour goûter au télépathique bien-être. Celui de sa mère et le sien.
Celui de l’autre et le sien. Elle s’initiait, à sa façon, au langage du
toucher. Tant et si bien qu’elle avait développé son propre raisonnement sur la
chose.- Si on ne veut pas être touché, c’est qu’on veut pas jouer. Si on touche
trop fort, c’est qu’on ne sait pas jouer. Si quelqu’un nous touche et puis qu’on
aime pas ça, c’est qu’il faut aller jouer ailleurs ou jouer plus tard. Quand je
vais avoir dix ans, je vais faire du massage et mes clients vont toujours être en
santé. Comme ça, ils n’iront pas à l’hôpital. Parce qu’à l’hôpital même les
adultes passent des examens et quand ils ne réussissent pas, ils les enferment
dans leur chambre. Moi, quand je suis sorti de l’hôpital, j’ai vu une
spychologue parce que des fois les parents donnent leurs maladies aux enfants
et tu n’as pas le droit d’apporter des maladies qui ne sont pas à nous à
l’école. Mais le spycolage, c’est pas du tout comme le bricolage. On touche à
rien et puis on parle trop. C’est fatigant. Si jamais je suis malade, une autre
fois, je n’en parlerai pas, pour ne pas me fatiguer, même si je ne gagne pas de
pilules. De toute façon, ça ne goûte rien. Mais madame la directrice doit en
prendre, elle, des pilules, parce qu’elle est maigre et respire fort comme ma
mère.
C’est sûr, que je vais
faire comme toi quand je serai grande, parce que tu sens bon et tes mains font
toujours du bien. Et puis, quand je masse ma grand-mère, elle me dit que je
suis une surdouée. Ça doit vouloir dire que j’ai les mains douces !
Ma cliente respire profondément
et tout à coup lève la tête brusquement.
- Je me suis endormi et j’ai rêvé
que je me faisais masser par une chenille géante en pantoufles et puis la table
est devenue une énorme bassine d’eau jaune et j’ai coulé à pic. Vous savez ce
que cela veut dire?
- Non je n’interprète pas les
rêves. Mais quand vous avez envie, dites-le et allez pisser, sinon vous vous
intoxiquez.
Il est lourd le corps sans connaissance. Les ambulanciers ont réussi à l’attacher sur la civière, mais il déborde de partout. Il a l’air d’un gorille ficelé à une planche à repasser. Le cathéter est vite installé. Le visage de l’accidenté est transparent. Franck procède au massage cardiaque. Geneviève, sa partenaire, doit vite prendre la relève. La cadence est épuisante.
Aussitôt l’adrénaline injectée
Frank prépare le défibrillateur. Mais le cœur semble retrouver un rythme
normal. L’ambulance glisse sous le belvédère de l’entrée d’urgence. En tirant
la civière, les pattes se déplient, les roues atterrissent sur les dalles et les
ambulanciers refilent le paquet aux brancardiers déjà prévenus. Frank s’arrête au
comptoir pour les détails et formalités. Pour peu, se serait lui le malade avec
ses épaules surélevées, comme s’il avait les pieds ébouillantés par sa fièvre.
Ses mâchoires contractées accusent ses tensions. Un quart d'heure plus tard,
les ambulanciers reprennent la route. Cette fois, c’est pour entrer à la
maison. Geneviève est soulagée et calme. Frank a beau être costaud, il est
épuisé. « Où habite ton macho? » dit-il? – « Tu veux dire
mon masso », réplique Geneviève en souriant.
C’est ce soir le rendez-vous de Franck. J’ai l’impression qu’il débarque d’une manoeuvre héliportée. Son visage juvénile, séché à froid, semble sortir d’un pot de formol. Sa tête, soudée aux épaules, contient deux yeux implorants. Sous cette caboche, il y a un corps d’assujetti. Pour le moment, il ne faut pas trop s’attarder à l’armoire à glace, car les portes semblent barrées à double tour. Il entre en vacillant et ne souhaite pas s’asseoir. A-t-il des malaises particuliers, des restrictions de mouvements, des étourdissements? Il répond « non » à toutes mes questions. Il prononce une seule phrase, d’une voix métallique, avant de s’étendre : « Je me sens un peu coincé ». Cela relevait-il du massage ou de la sidérurgie?
Est-il traitable sur une table ? Sa respiration est stable, son pouls est acceptable et ces tensions sont notables. L’énergie de mes mains pénètre la chair, comme un faisceau de lumière chargeant les neurones de milliers de renseignements polychromes. Certaines régions sont sauvages et n’ont jamais été stimulées. Des millions de cellules s’éveillent et s’amalgament. La transmission à la moelle épinière est instantanée. Les vertèbres dorsales sont lessivées et les lombaires engourdies s’éveillent. Sa carcasse commence à être attentive aux messages sensitifs. À la vitesse de l’éclair, les signaux électriques déploient les fibres nerveuses. Les émotions s’affirment par de grandes respirations, de petites secousses, souvenirs, bien-être, maman, soleil, fontaine, framboise…tout s’anime. Les remous dans la conscience profonde se dynamisent et remontent le cours du temps. Les fessées, les escarmouches, les blessures sportives persécutent la tendresse, la bienveillance et la fierté. Et puis, un nuage magnétique, là, au niveau du rein droit. Il faut calmer le rein, au niveau de la douzième vertèbre dorsale et la première lombaire. Le gyrophare de l’ambulancier tombe en veilleuse : objectif atteint.
Veuillez redresseR votre siège
Les chaînes musculaires gauches
ont relâché. La droite est en négociation. Les ajustements possibles en une
séance ont atteint le point de saturation. Le système nerveux central demande
une suspension. Les cadrans se désarticulent. Hésitations, puis un dernier tour de piste. Les
moteurs sont coupés. Il faut atterrir. Le voyage achève.
–« Respirez profondément.
Retrouvez-vous dans votre espace secret ou le confort est absolu et
l’atmosphère est sécurisante. Remarquez toutes les ressources qu’il y a en
vous. Vous pouvez sentir les parties détendues de votre corps comme les points
encore crispés. À l’extérieur de votre corps, il fait 23 degrés. » Son
train d’atterrissage fonctionne à merveille, à sa grande surprise. Cette
fois-ci, pas de relais, pas de brancardiers, pas de formulaires, pas de
rapports. Mais les neurones des organes ont du pain sur la planche. Le visage de
Franck prend des couleurs, mais lui subsiste une arrogante absence d’expression.
On entend siffler l’air des compresseurs de la mâchoire qui se débarrent. J’ai
le réflexe de lui dire :
–« Veuillez
relever vos genoux et attendre que votre gyrophare soit éteint avant de
quitter. »
Enfin son corps
se redresse et ses narines aspirent l’air
triomphalement. Il se tourne vers la
porte comme pour l’arracher, fier de
sentir sa charpente! Il pivote sa tête, pour la première fois depuis longtemps
sans tourner le corps, pour me grogner -« Marci cheuf !».
Ma cliente a une question
saugrenue qui la turlupine depuis hier.
- Qui a le plus de prédisposition
au massage? Moi, je suis bélier ascendant taureau et j’aime les chiens et mon
conjoint est scorpion ascendant poisson et il aime les chats ?
- Je suis masseur madame, pas
vétérinaire!!!
Je viens d'établir un record
mondial de huit minutes et dix secondes consécutives, en massant mon petit-fils
de cinq ans, Samuel. Vous savez comment je m'y suis pris? En lui disant toutes
les trente secondes, Ok, c'est fini. « Non, non, encore me réclame-t-il.
Comment ça s'appelle ce que tu touches? » - L'omoplate. « Et si tu ne
pèses pas dessus, l'omoplate est-elle ronde? » - Non, elle reste plate!
Il faut comprendre qu'au-delà de la bonne volonté et de bonnes paroles, trop souvent l'attitude de notre société, prescrit l'interdiction de se toucher, de permettre de s'attarder à son corps. Nous avons culturellement tendance à associer le plaisir de jouer, avec un jouet, un article de sport, ou un objet usuel pour démontrer son adresse. Dès le plus jeune âge, ce sont des raisons culturelles qui mènent au surmenage et à l’épuisement. En cherchant des ressources extérieures pour occuper son corps, ou son esprit, alors que la considération de nos propres ressources, nous permet d’entretenir sa force créatrice et la confiance en soi. Oui, le jeune enfant mesure sa sensitivité et le langage de son corps et découvre ou confirme les liens entre ses tensions, ses peines et ses joies, sa détente et son mieux-être. Le massage ici, n’est qu’un jeu qui permet par des gestes tactiles et ses répercussions, une meilleure maturation du système nerveux et contribue subtilement au développement physique, affectif et intellectuel.
Chaque seconde de silence
permet aux neurones de Samuel, de faire pétiller son imaginaire. « C’est
une bonne idée de mettre sa tête dans un trou, comme ça, Pinocchio et Spiderman
peuvent se faire masser » me dit-il. Pinocchio ou Donald Duck, je
comprends, mais pourquoi Spiderman? « Parce que, quand il a de la misère à
respirer, il a des fils d’araignée qui le collent partout. » C’est vrai
qu’avec un bon massage il se calmerait le gros nerf. « Est-ce que c’est le
gros nerf qui fait des fils d’araignée ? » À bien y penser, je crois qu’un
gros nerf tendu doit produire des fils d’araignée dans le cerveau. Si bien
qu’en massant sa tête, ça le soulagerait. -« Oui, mais si tu masses tout
son corps, qu’est-ce que ça fait? » Ça lui donnerait plein d’énergie,
comme s’il était plein de vitamines! -« C’est ce que tu m’as dit tantôt,
quand tu m’as servi de la crème glacée. » Oui mon petit-fiston, le massage
va te rendre fort et en bonne santé. – « Oui mais moi grand-papa j’aime
mieux la crème glacée ! »
Cet article a été publié la première fois en 2007 dans La Gazette des
thérapeutes
Noémie vient tout juste de commencer son nouveau travail à la bibliothèque. Elle saisit l’occasion pour quitter la maison familiale et s’installer avec sa nouvelle amie Béatrice. Elles ont comme affinités l’obsession du corps. Elles ne parlent jamais de nourriture. Elles bavardent de constipation, d’insomnie et de vertiges. Noémie a un système digestif capricieux et ne mange rien qui la contrarie. Elle dépense une énergie folle à supporter son tourment. Béatrice a permis à Noémie de découvrir un apaisement souverain, en lui confiant que, depuis quelque temps, elle se fait masser.
Nancy, elle, était venue me voir parce que son médecin, tout en lui suggérant
le massage comme moyen de définir et de conscientiser la détente, avait fait
allusion à ma chronique intitulée, « La libellule qui pète ». Nancy
travaille comme modèle et me confie à l’époque : « C’est très facile
de perdre l’appétit quand le travail, le transport, les défilés et tout le
bastringue vous tiennent en haleine. J’ai beau avoir de la nourriture dans mon
sac, je bouffe une pomme et des raisins secs et c’est la poubelle qui gobe le
reste. On dirait que moins je mange, plus le regard des autres me dévore. Les
miroirs et les portes vitrées sont comme des vautours qui s’alimentent du
reflet de mon image. Malgré tout, mon corps est lourd à porter. Le purger, le sustenter,
l’entretenir est au-dessus de mes forces. » Ainsi,
les premières séances de massage ont servi à éviter les rétractions
musculaires et tendineuses liées à la cachexie, étant
donné l’indice de masse corporelle faible de Nancy
Béatrice a un rapport
exceptionnel avec le culte du corps mince. Elle fait, de manière performante,
de la danse et de la gymnastique. Elle reconnaît que son choix alimentaire est
restrictif et hypocalorique. Elle ne se nourrit pas, elle picosse du fromage,
suce un quartier d’orange et le seul repas chaud comprend toujours quatre fèves
vertes et un morceau de poulet, moins que le minimum vital. Elle a l’impression
de bien gérer sa vie. Pourtant, sur le plan personnel tout est morose. Les premiers
massages établissent l’harmonie de son système nerveux. Le massage des pieds au
genièvre parvient laborieusement a effacé ses peurs. Le pétrissage de
l’arrière-cuisse réconforte et polarise l’énergie basse qui monte comme un
geyser le long du méridien du rein. Elle se reconnaît, repère après repère,
instigatrice de sa fragilité et de son vide intérieur.
GIROUETTE - CACAHUÈTE
Noémie trouve le massage apaisant et limpide. Pas de paroles sucrées de
psy, pas de désossage analytique, pas de tartine morale sur les repas qu’elle
remplace par des cacahuètes et des jus de fruits. Elle se donne la peine de me
dire : - Je suis enthousiaste quand je perds un kilo, mais c’est le
kilo suivant qui me tracasse. Et c'est ainsi que l'engrenage infernal
s'installe. Je m’oblige à descendre une station de métro avant et à fuite les
escaliers roulants et les ascenseurs. Je lutte contre l’aiguille de mon
pèse-personne. Je vérifie souvent les contours de mes bras et de mes cuisses.
Noémie ne connaît pas son biorythme, l’accès principal au bien-être.
Elle ignore les limites de son corps. Elle est bibliothécaire et le don de soi
se retrouve en premier plan. Embrouillée par la mutation du rôle de la femme,
elle tient tout de même à nourrir les autres et se mettre à leur service. Elle
y retire une grande valorisation qu'elle ne retrouve pas sur les plans émotif
et sensoriel. Le massage contribuera à laisser émaner ces désirs personnels, à
répondre à ces sensations palpables et non cérébrales, à combler ses appétits.
Nancy a une brillante personnalité. Ces yeux sont scintillants comme son
intelligence. Elle veut un enfant, mais elle n’a pas ses règles. Ou plutôt, la
seule règle qu’elle possède c’est une règle à calcul. Rendement, rentabilité, contrat,
transport, argent, maison, affection, bébé… oups! La machine à bébé est en
panne, comme la machine à digérer, comme la machine à respirer. Pourtant, Nancy
se répète toujours : - Je passe au travers ma journée. Je ne vois pas où
est le problème. Mon désir extrême d’élimination me pousse à la consommation de
laxatifs. Avec mes jeûnes, mon corps tient le coup et demeure pur. Je ne comprends
pas pourquoi il est stérile.
L’aménorrhée est souvent la conséquence de ce qui précède l’amaigrissement.
Les sens virent de tous bords tous côtés pour trouver approvisionnement. Le
corps ainsi déstabilisé devient aussi une girouette affective. Les massages successifs
permettent à Nancy de s’arrimer à ses sensations, finissant par admettre qu’elle
souffre d’arthrose, d’insomnie, de vertiges et de crampes. Les massages lui permettent également d’améliorer le
fonctionnement hormonal en stimulant le système lymphatique. La
production des lymphocytes augmente et la défense et la reconstruction des
tissus s'améliorent. Chaque étape permet d’évacuer le stress, d’arriver à un
point de détente que le corps apprécie et se souvient. Si bien que, cette
détente devient progressivement l’expression spontanée de son désir de confort,
un réflexe, et non une chose cérébrale commandée. Les perceptions
sensorielles de Nancy ont ainsi raison de ses perceptions mentales.
CORPS
QUI HURLE N’ENTEND RIEN
Dans une soif intense de vivre,
Béatrice cherche le juste milieu entre l'ascèse et la débauche, entre
l'égocentrisme et l’abnégation. Elle croit compenser ces déficiences par de la
camelote de laboratoire, des potions santé, tiens donc! Ce qui provoque des
désordres biochimiques et enzymatiques, augmentant ainsi ses tensions
nerveuses. Ses gestes nerveux peuvent paraître un comportement dynamique, mais
en réalité, il s’agit d’une incapacité à emmagasiner toute forme d’énergie. Elle
cherche à leurrer le tout par une tenue étudiée et colorée, donnant l’illusion
du panache à son corps. Cela ne tient jamais la route, de se comporter avec la
crainte de décevoir les autres. C’est s’imposer, à coups d’hyper conscience, de
tout maîtriser. Maîtriser la membrane qui contient ses organes, maîtriser son
environnement, maîtriser ce que les autres ne réussissent pas à maîtriser.
Béatrice a de la difficulté à affirmer ses vrais besoins et à établir ses
limites. « Je dois avouer que je ne me rendais pas compte de mon
état, j'estimais que j'étais un peu plus maniaque que les autres. Mais je
n'avais pas conscience que ma vie n'était que mille et un rites journaliers
tels que faire impérativement plusieurs heures de sport par jour; me peser;
sélectionner des aliments en rejetant furieusement tout ce que je jugeais trop riche;
examen, nettoyage et pesage scrupuleux de tout ce que j'ingérais pour éliminer
tout surplus douteux; faire le calcul systématique des calories pour ne pas
dépasser mon quota fixé. J’observais les consignes, mais mon corps n’entendait
plus rien! Et puis, tout à coup, allongée sur la table, la confusion corporelle
n’existe plus. J’apprivoise progressivement de nouvelles sensations, celles qui
entraînent des émotions, des sentiments. Est-ce possible? Des évènements
corporels sensoriels et affectifs qui ne mettent pas en scène l’ingestion.
Est-ce possible? Des mains qui s’occupent de moi sans aversion, sans insolence?
Tout cela est possible si vous consentez à laisser votre corps se
manifester. Noémie peut-elle entendre, accueillir et explorer ce que tout un
monde peut procurer à son corps? Elle vient se faire masser sur l’heure du
souper. « J’ai l’impression de me venger des scènes navrantes de règlement
de compte que ma mère nous faisait à la table : La vie c’est sérieux les
enfants, il faut trimer dur pour bien manger, videz votre assiette, la planète
meurt de faim. Arrêtez de vous écouter, et patati pilé et patata frite. - Nous
pouvions parler de tout, mais, de façon implicite, ne pas nous écouter. On
mangeait notre solitude et notre désespoir, ensemble. Me faire vomir n’était
qu’une procédure, mais le faire en silence me déchirait les entrailles. Je
croyais qu’il fallait brûler son énergie, brûler sa graisse, pour atteindre la
tranquillité »
Noémie si savante, presque illettrée dans le domaine affectif, permet à son
intuition de s’épanouir. Hier, son corps décharné incarnait le peu de place
qu’elle s’accordait dans ce monde. Aujourd’hui, nous en sommes rituellement au
corps sensible, comme dans SENS. Elle a cédé aux appétits du corps sans pour
autant craindre l’embonpoint. Mais de cette conscience organique, il faut
passer au bonheur spirituel, accueillir l’affection, accueillir l’amour. Je
veux bien lui donner mon coup de main, mais vous qui êtes habituées à recevoir
des massages, pouvez-vous lui dire qu’on peut rendre son corps habitable,
rassasier ses sens et passer à la table avec plaisir?
- J’avais des problèmes avec mon
masseur précédent. Il ne parlait que sa langue natale. Il venait de Thaïlande.
- En effet, c’était un problème
de thaï!
- J’ai tout essayé, même les
médicaments naturels, ça ne marche pas. Suite à votre massage miraculeux, j’ai décidé de recevoir un massage toutes les
semaines.
- Il serait préférable de vous
reposer Étienne, et quand vous serez disposé, recevoir un massage qui répond
aux résistances du moment.
Et pour signifier qu’il est chef d’entreprise
sérieux, il réplique :
-Je n’ai pas le temps de me
reposer Monsieur, je suis à mon compte, je ne peux pas arrêter.
- Ben continuez comme ça monsieur,
et puis, mettez les problèmes sur votre compte.
- Vous devez vous tromper de
client, moi j’ai une Mazda!
- Non, je parle de votre épaule
gauche. Nous avons utilisé l’huile essentielle de gaulthérie la dernière fois.
- Ouais, ben j’ai mal aux deux
épaules maintenant.
- En effet, je crois que j’aurais
dû demander, comment va votre Mazda?
- Et bien, le volant tire
beaucoup, je crois que la voiture a un problème d’alignement.
- Alors, réglez votre problème de
roues chez le mécanicien, et vos épaules vont aller mieux.
Martine était passée à la clinique pour se faire enlever son plâtre. La scie circulaire la chatouillait. Alléluia! Elle sentait sa jambe! Elle était donc vivante, mais dans quel état la retrouverait-elle ? Martine s’imaginait le tibia couvert de cicatrices et de veines boursouflées. Le cadeau déballé, sa jambe était chétive tout au plus, mais sentait le fond de chaloupe. Compréhensible ! Elle était tombée du quai. Un souvenir de vacances quoi ! Libérée de son carcan, elle s’était bien juré de se faire le plus grand plaisir, recevoir un massage.
Martine vient se faire masser depuis cinq ans. Elle ne fume pas, mange bien, et tire avantage de ses activités d’intensité moyenne, mais dérape dès que ses activités sont trop intenses. Bien que toutes personnes risquent ce genre de dérapage, il est manifeste chez quelqu’un dont l’organe dominant est le cœur. Chez une personne en harmonie, cela révèle une personne animée, joyeuse et amicale. L’élément cœur, selon la théorie des éléments chinois, se compare au tempérament bilieux, et lorsqu’il est en dissonance on reconnaît son impatience, sa susceptibilité et son âme angoissée. C’est souvent une personne dure avec elle-même et vulnérable aux commentaires désobligeants.
Le médecin trouvait Martine irascible et en avait déduit que son état d’esprit entraînait un comportement aux réflexes destructifs. Qui sait, si son accident n’en était pas un exemple. Il lui avait prescrit des calmants. Son impatience s’était transformée en anxiété. Si bien que le docteur avait conclu qu’elle avait une tendance dépressive. Des symptômes tels que l'essoufflement et l'oppression thoracique sont considérés comme étant d'origine psychologique chez les femmes mais souvent comme étant d'origine cardiaque chez les hommes Les mêmes symptômes chez les femmes sont souvent attribués au stress et à l'anxiété par le corps médical. Deux poids, deux mesures. La propension des femmes à discuter du stress d'inquiétude mène souvent à la multiplication des traitements dont le plus inoffensif, en apparence, est la prescription des suppléments de calcium qui entraînerait une calcification vasculaire problématique. La prise de calcium à des fins préventives est fondée, encore une fois, sur une focalisation de la structure osseuse sans tenir compte des conséquences des répercussions cardiaques.
Martine est hors d'elle-même. Sa grande frustration tient du fait qu'elle s'est fiée au système dit de santé pour récupérer rapidement. Elle a consulté un autre médecin. Elle en pâtit depuis quelques semaines; consultation express stérile, mauvais diagnostic, surmédication. Le médecin lui a bien fait sentir qu’il était occupé à des choses plus sérieuses que ses complaintes et ses états d’âme. Allez hop ! il lui a fait une prescription magique et au suivant.
On oublie souvent que la douleur n’est pas une maladie, mais le signe d’un dérèglement, d’une congestion. Martine a encore un petit serrement à la gorge et son front transpire. Son troisième médecin était une femme. Elle s’attendait à plus d’attention, plus d’exactitudes dans son propos. Maudit conseil futile, conseiller à quelqu'un de "consulter son médecin". C’est le pire guêpier dans lequel vous pouvez tomber. On trouvera bien quelques symptômes qui vous catalogueront dans les revendications d’une compagnie pharmaceutique.
Il est temps pour Martine de recevoir un
massage, car son corps s’en vient indifférent,
contaminé par une soupe chimique. Il faut d’abord diminuer la pression
par un contact apaisant, mais énergique au niveau des omoplates et du sternum, éveiller
et équilibrer les réseaux neuronaux, principalement au niveau des bras et de la
nuque. Puis, se libèrent les vieux blocages émotionnels mémorisés dans les
tensions et les contractures du corps. Le souvenir de la détente grâce à la stimulation
sensorielle des massages antérieurs chassera l’anxiété. Le métabolisme
énergétique de la cellule s’active et la jambe fracturée devient plus solide
que jamais. Les milliards de cellules émettent, reçoivent, réagissent et répondent,
mais elles sont faites surtout d’émotions et de créativité. Faites appel à
votre intuition.