Pour honorer Émilie, la capitaine championne
de volleyball, ses camarades lui ont offert son premier massage. Noémie étant
l’initiatrice de l’idée s’était improvisée connaisseuse en la matière parce qu’elle
était venue se faire masser chez moi jouant l’éclaireuse. La fois suivante, le
massage fini, elle s’est rhabillée lentement, un peu sonnée. Comme je boucle la
séance en procédant à un entretien évaluatif, je lui pose quelques questions. Elle me répond de façon expéditive pour me questionner
à mon tour sur Émilie qui a reçu son massage hier. Je m’empresse de lui
souligner que c’est peine perdue. Je ne raconterai pas l’expérience d’une
personne que vous connaissez intimement. Surprise, Noémie me fait la remarque :
—
Vous écrivez à tour de bras les
expériences de plein de monde. Pourquoi ne raconteriez-vous pas notre expérience!
—
C’est possible seulement si vous
vous êtes concertées et que vous êtes toutes d’accord. Avec votre consentement,
ce serait même très intéressant de connaître les raisons qui vous ont motivées
à vivre cette expérience.
Noémie m’avoue que cette idée avait germé lorsqu’elles avaient assisté à un de mes ateliers au collège. Noémie, Esther et Bianca papotaient sur les hypothèses d’expérience à vivre. Souvent, elles discutaient par textos. Je leur proposai donc de m’accorder la permission de copier un extrait de leur correspondance sur la question du massage.
—
Noémie : G cherché. Y’a pa
gran chose de consistant sur des massages consciencieux et constructifs sof
qqzun. Otrement y’a plin de sites web kineçon q des grosses pubs qui offrent
plein de $ervice$ & gadgets cucus L
-
Bianca : tu veu dire chers et
stériles J
-
Noémie : Toi quèss ta trouvé ?
-
Bianca : Ma sœur madi, de
nepa alé dans les spas pcq cé cher et impersonnel.Il fo quiè le nom d’une personne
et sa photo sur le site pi fo pas q le massage soit associé à
l’esthétique sinon cé du bizounage. C détestable l’impression de se faire
masser par une entreprise.
-
Noémie : Chacun son trip, moi
je ne veux pas aller dans un disneyland de la détente
-
Esther : Tatu vu le blog
Masso-Mondo, y’a plein de trucs la dedans. Ma mère m’a dit que cé pamal étoffé.
Y’a toujours réponse à nimportekoi sur les sujets épineux
-
Noémie : C le gars ki fait du
Heza, ki donne un massage personnalisé. On devrait le suggérer comme cado à
notre Émilie. K pense-tu ?
-
Bianca ; Ben avant j’amerais
savoir pour
-
Noémie ; Té fol la thalasso
cé pour les poupounes
-
Esther: Ouais c vrai. Les petits
jets chauds sur le dos, le gommage à la menthe, les techniciennes ki nous
tutoies comme des attardées. Y zoffre toutes sortes de services débiles. Me faire
crémer au chocolat ou emmailloté comme un shish –taouk, ce n’est pas mon truc.
Pi l’odeur des algues me dégoûte
-
Noémie ; Chu déjà allé dans
un genre de bain de bouette. On était quatre à tremper dans la diarée de
l’otre. Kesse kon peut être connes les filles défoi. Y avait même une mongole
avec un masque de mayonnaise qui se vantait de sa peau moelleuse. Jpense k c
son cerveau qui était moelleux.
- Bianca : C dégueux ton affaire. Bon ben fo s’grouiller. Spa pour sa retraite con veu lui offrir. Passons aux vraies affaires !
-
Noémie : Chère Émilie, ns
avons fait bocou de recherche. Va te balader sur Facebook Massage Heza pour
voir. Moi chu allé voir le masso. C toute unexpériensse.
- Émilie : J’ai lu l’article : Mon premier vrai massage sur le blog Masso-Mondo Sam fait pensé à ns ôtre. Le plus capoté c la chronik: Massage, sexualité et gâteau au chocolat, c cute et samedi qu’on a une sérieuse longueur d’avance sur les vieilles de trente ans.
Toujours bien qu’Émilie se retrouve dans mon studio de massage. Je l’accueille avec les politesses d’usage et j’enchaîne avec quelques questions pour tracer l’ébauche de son profil. Son réflexe est moins de répondre que de répliquer. Voici un exemple :
—
Masseur : Nommez-moi une
odeur que vous aimez ?
—
Émilie : Ça fait un peu bizz
vos questions sur le goût, les odeurs, les textures.
—
Masseur : La précision de
votre réponse va m’indiquer lequel de vos sens est le plus en éveil.
—
Émilie : Je ne sais pas…certaines
voix humaines me réconfortent.
—
Masseur : Est-ce que vous
êtes salé ou sucré
—
Émilie : Mon chum dit que je
goûte sucré. C vrai q c ma tendance !
—
Masseur : Tolérez-vous mieux
le chaud ou le froid ?
—
Émilie : Qu’est-ce que vous
voulez dire par là !
—
Émilie : Moi aussi j’ai une
question. Je voudrais savoir : allez-vous me masser partout ?
—
Masseur : Vous ne venez pas
voir un masseur professionnel pour faire des flattes-flattes ! C’est le
trac de la débutante qui vous fait hésiter, mais il est tout aussi vrai à 30,
50 ou 70 ans. Oui, je masse la région des hanches, l’aine, le sacrum… en fait
cela touche la personne dans ses différentes dimensions : physique, mental
et spirituelle. C’est un massage holistique.
— Émilie : C’est quoi holy stick ? Ça fait sexuel…
La cliente ne manifeste jamais ce genre d’inquiétude, bien ça doit leur passer par la tête. Mais Émilie est directe et franche, elle ne tolère aucune zone grise. La voilà sur ma table. Elle saisit qu’elle ne peut entretenir de conversation pendant le massage. Le silence la contrarie, mais elle constate toute l’importance de ne pas être distraite.
À la
fin du massage, après une pause de quelques secondes, elle m’a regardé droit
dans les yeux, avec un grand soupir. Et d’une voix éraillée elle me dit :
J’ai tout compris !
Délicatement, j’ai murmuré : Vous avez compris quoi ?
Elle saisit que ce n’était pas une question, mais une réflexion taquine.
- Lorsque j’ai enfin accepté votre regard sur mon corps, j’ai lâché prise. Je me répétais; il en a vu plein d’autres, et je sentais que vos mains étaient pleines d’empathie et ne me jugeaient pas.
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